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The Barkley Marathons 2019 - Un cuisant échec

[Avant course]

La conque retentit vers 8H20. Comme beaucoup de coureurs, je suis déjà réveillé. Malgré une mauvaise nuit, où j’ai peu dormi, fort de l’expérience de l’an dernier, je prends le départ de cette édition plutôt confiant. Par rapport à 2018, j’ai réalisé, sur trois mois et sans me blesser, une plus grosse préparation.  Je me suis également davantage reposé dans les 10 derniers jours précédents la course et je m’aligne avec trois kilos de moins 72,5kg. La météo d’avant course a été plus favorable, le terrain est sec et les prévisions pour la course sont moins inquiétantes qu’en 2018. Tous les clignotants sont au vert. Etant donnée la densité de bon coureurs et coureuses sur cette édition, ma stratégie est simple. Il s’agit d’essayer de rester dans le premier tour si possible avec Benoit et  s’il part trop vite, au sein d’un des premiers groupes pour éviter de jardiner seul dans les nouvelles sections Mon objectif sur ce premier tour de jour est de 9H-9H30 contre 9H08 en 2018.

The Barkley Marathons 2019 - Un cuisant échec
The Barkley Marathons 2019 - Un cuisant échec

[C’est parti]

Nous prenons le départ à 9H20. Je m’affaire dans les premiers mètres de chemin pour rester en bonne position avant le sentier.  Je suis en 7ème position et nous montons à un rythme de marche soutenue ponctué de quelques relances sur les portions plus plates. Rapidement Benoit décide d’accélérer le rythme et part seul en courant. Le groupe derrière mené par Guillaume et John n’accélère pas. Nous passons au sommet en une bonne trentaine de minutes à une ou deux minutes de Benoit. Dans la descente qui nous mène au livre I, les positions dans le groupe restent stables. Arrivé au livre la file des coureurs s’agglutinant s’agrandit rapidement. Une fois la page empochée, je suis mes camarades pour une directissime au milieu d’une barre rocheuse. Le passage est un peu scabreux sur deux mètres mais bien plus efficace que celui emprunté en 2018. La descente de Jacque Mate toujours impressionnante se déroule bien, cette année je pense à bien respirer et ne pas rester en apnée. Nous rattrapons Benoit sur le bas. Dans la montée sur Jury Ridge, comme planifié, je commence à manger un caramel beurre salé. Jared accélère un peu, pour rejoindre le duo de tête composé de Guillaume et John. Tomo et moi, lui emboîtons le pas, Benoit et un autre coureur sont toujours au contact. Je contrôle régulièrement mon pouls pour vérifier que je ne suis pas en sur régime. Apparemment tout va bien de ce côté-là. Je transpire mais c’est toujours le cas, je continue de m’hydrater comme prévu. J’avais planifié de boire 1,5 litres entre le départ et le premier ravitaillement en eau à Garden Spot. J’en suis à plus d’un demi-litre. Nous quittons le sentier en direction du livre II. Je continue de vérifier le pouls pour éviter de me mettre dans le rouge. Au second livre nous ne sommes plus que six. Nous entamons alors une nouvelle section de descente assez raide. C’est assez ludique et trois coureurs prennent le large. Je reste derrière Jared qui descend étonnamment plus lentement. Je le rejoins ; il m’indique qu’il s’est tordu la cheville. Elle a quasiment déjà doublée de volume. Ce n’est vraiment pas de bol, c’est la blessure de début de course que l’on ne souhaite à personne. Je finis par dépasser Jared dans une portion particulièrement raide en chasse derrière le trio de tête. Je reste à distance à une trentaine de mètres dans cette descente particulièrement scabreuse. Je rejoins les leaders au livre III au moment où ils repartent. Guillaume me tend le bouquin ; rapidement Benoit ainsi que  deux autres coureurs nous rejoignent. Jusque-là tout baigne, je suis satisfait de mon début de course.  

 

The Barkley Marathons 2019 - Un cuisant échec

[L’accident]

Je commence la montée d’Hillpocalypse comme l’an dernier en emboitant le pas de Benoit. Je décide cette fois-ci, comme planifié, de sortir mes bâtons pour m’aider et éviter d’avoir les mains au sol. A peine dix minutes que nous montons, au moment où la pente se raidit, je ressens des débuts de crampes. Mince cela ne m’est jamais arrivé aussi tôt (à peine 10km) dans une course qui plus est en marchant. En 2007 à l’UTMB, j’en avais contracté au bout de 30km. Je ne panique pas et décide de ralentir le rythme et de m’hydrater et de manger un Snickers pour les faire passer. Elles viennent à peine d’arriver cela devrait le faire. Malgré tout, à mesure que je monte les crampes s’accentuent. A tel point que je suis obligé de faire plusieurs arrêts pour les faire passer. Je rejoins et franchis la petite barre rocheuse par la gauche où cela passe plutôt bien. Dans le dernier ressaut qui me mène au Noth Boundary Trail (NBT), malgré avoir absorbé une flasque de 600ml depuis le bas, l’état de mes quadriceps ne s’améliore pas. Dans cette montée, je me suis fait dépasser par environ 5-6 coureurs. Chacun d’eux sympathiquement s’est enquis de mon état. Arrivé au sommet, avant de repartir sur le sentier je m’assois un peu. Sur cette portion en descente, je n’arrive déjà plus à courir. Cela ne sent pas bon du tout. Je n’arrive pas à m’expliquer ce qui ce passe. Les questions me submergent. J’ai scrupuleusement suivi mon plan d’action. Qu’ai-je mal fais pour en être là ? Je n’ai aucune réponse. Après à peine 1200m de dénivelée positive et 1000m de négative ma course semble déjà pliée et mes quadriceps cuits. Au regard du programme d’entrainement que j’ai réalisé et notamment des grosses séances de 4-5 heures parfois à rythme très soutenu, généralement sans m’alimenter ; cela semble incroyable. Sur la petite remontée vers Bald Knob, je suis rattrapé par Jared. Gentiment, il se présente à moi et je fais de même. Ce qui me marque c’est son sourire radieux malgré sa blessure. Je sens que bien que blessé, il est vraiment heureux d’être là. Il me distance un peu et trouve le livre IV juste devant moi. Sympathiquement, il me demande mon numéro de dossard, puis me tend la page 9. Au moment où je vais repartir, un petit groupe emmené par Johan et qui comprend notamment Rémy arrive. Johan, qui s’est tordu la cheville quelques jours auparavant, apprenant la mésaventure de Jared lui propose sa chevillière de maintien, un geste à l’image du bonhomme. Vu mon état, après moins de 3 heures de course, la solution, que j’aurai mis en pratique sur toute autre course, consiste à bâcher en prenant la quitters road. Il est clair que je ne ferais plus rien de bien sur cette édition et que tout ce qui reste à faire, sauf miracle, se fera dans la douleur. Je m’étais promis de résister le plus longtemps possible contrairement à l’an dernier pour ne pas avoir de regrets. Aussi, je décide de continuer. Mon objectif désormais consiste à finir un tour, même hors délai. J’anticipe déjà ce qui va m’en coûter de continuer, mais de là à imaginer ce qui m’en a réellement coûté… 

[La lente agonie]

Je repars pendant que le groupe reste en compagnie de Jared qui s’équipe. Je rejoins le NBT en direction du livre V. Je n’arrive plus à courir tout juste à trottiner dans les descentes. Je fais une pause pour prendre ma dernière bouteille d’un demi-litre, à l’arrière de mon sac, et continuer à m’hydrater. Je décide également de manger une barre que je finis au niveau des Coal Ponds. Dans la montée vers Garden  Spot, je me fais de nouveau dépasser par Rémy et un autre coureur deux autres se rapprochent. Après avoir pris ma page, je retrouve, quelques coureurs au ravitaillement en eau qui repartent au moment où j’arrive. Je fais le plein des trois flasques, soit environ 1,7 litres et avale un litre pour m’hydrater. Sur le faux plat montant qui suit, je tente en vain de relancer en trottinant mais les crampes reviennent. Je décide de faire un test urinaire pour voir si je suis déshydraté mais impossible d’uriner, cela ne vient pas. J’entame la descente dans de Mouth Branch. Je prends plus à l’est que l’an dernier et galère dans un terrain piégeux, notamment à passer une petite barre rocheuse. A chaque fois que je dois faire un mouvement plus important, pour passer un obstacle de terrain, ou pour écarter des ronces, les crampes me viennent. Je rejoins Bob Cat Rock et au moment où Benoit entame la montée vers le livre VII, je commence ma quête du livre VI. J’ai déjà près d’une demi-heure de retard sur Benoit. Cette descente que je redoute, plus facile que l’an dernier en raison du terrain sec, finit d’achever mes quadriceps. Je croise vers le bas un petit groupe qui remonte. Je prends ma page quand de nouveau deux coureurs me rejoignent. Ils me déposent littéralement dans la montée où je suis forcé de m’arrêter régulièrement en raison des douleurs aux cuisses. Je croise Stéphanie, Nicky dans un petit groupe un peu avant de rejoindre Bob Cat Rock. Je continue ma progression vers le livre VII tout en continuant à m’alimenter et à boire. J’en suis déjà à un litre depuis le ravitaillement en eau, mais rien n’y fait les crampes continuent. Au livre VII, je suis rattrapé par Jodi et un autre coureur. Je les suis à distance dans la descente de Fyke’s Pyke. Je les perds au moment où je rejoins le chemin. Je continue tout droit dans la végétation mais apparemment ce n’est pas le bon plan, je galère pas mal sur cette section qui aboutit au même chemin en contrebas. J’aperçois alors le piquet de limite de parc et je prends mon cap. Mais sans m’en rendre compte, je dérive un peu sur la droite et aboutit dans un vallon. Je décide d’emprunter ce vallon qui doit bien finir par mener à River. Je débouche sur River un peu à l’ouest de la ligne habituelle. Je traverse et me retrouve sur un chemin. Je prends sur la droite, mais je ne suis pas sûr d’être au bon endroit. Je fais quelques allers-retours, et finalement, j’aperçois Jodi et un petit groupe de désormais quatre coureurs qui me rejoignent. Jodi m’indique que j’ai pris un raccourci. Je lui indique que je me suis juste un peu écarté de l’ancienne route, mais pas de manière volontaire. Je reprends avec le groupe en direction du livre VIII, un nouveau livre. Nous trouvons assez rapidement la cascade puis les piliers, le petit mur, puis la poêle où se cache le livre. Je fais le plein d’eau à un torrent et laisse mes camarades s’éloigner. J’étais super content d’apprendre la veille que nous allions passer par Little Hell, une montée mythique de la Barkley. Là, dans mon état et sur le terrain, c’est un peu moins réjouissant. Je monte à mon rythme, lentement, et vois mes camarades s’éloigner à mesure que je progresse. La montée n’est pas simple et directe, la petite sente que nous empruntons serpente puis disparaît, au bénéfice d’une portion raide, puis réapparaît et serpente à nouveau... Je me dis que de nuit, cette section ne doit pas être facile, surtout en sens inverse. Je trouve aisément le livre IX, un nouveau livre, lui aussi sous une poêle. Après une dernière section plus plate, où le seul enjeu consiste à éviter les ronces, je rejoins un chemin. Je me pose et m’assieds  5 minutes. La tentation de quitter ici et de mettre fin à mes souffrances est grande. En effet, je suis à quelques centaines de mètres d’une descente directe vers le camp, soit dans mon état à environ une grosse heure. Je repense à cette longue et difficile préparation, à mes copains qui m’ont aidé et qui sont sortis avec moi dans la nuit parfois dans des conditions difficiles… Je décide de continuer. Dans cette descente sur chemin où, quelques jours auparavant, je fonçais pleine balle à 15km/h, je ne peux que marcher et pas bien vite. C’est sacrément long en marchant cette section. Je continue à m‘hydrater et à m’alimenter mais en vain. Je finis par rejoindre le chemin en balcon qui mène au pied de Rat Jaw. Dans la partie la plus raide, je croise Benoit qui redescend et m’indique qu’il a lui aussi coulé une bielle. Peu après, je croise un autre petit groupe. Déjà Jared me rejoint, puis me dépasse. Je suis scotché à la pente et monte quasiment deux fois moins vite que lui. Après la petite barre rocheuse, j’aperçois un premier journaliste. Il est bien bas. Plus haut déjà les spectateurs à la Tower encouragent le boss. Puis c’est mon tour, j’approche du sommet quand Jared déboule. Je lui laisse le passage et il s’amuse à faire un 360° sur son pied valide. Décidément, nous ne sommes pas de la même planète. Mes camarades Chartreux, Nicolas, Emmanuel et Cédric sont là qui m’encouragent dans les derniers mètres. Puis, ils m’accompagnent au livre X. Je leur indique que je suis cuit depuis des heures que je ne pense qu’à un truc c’est de bâcher. Ils ont des mots sympas et réconfortants même s’ils ne croient pas eux même en mes chances d’aller bien loin. Je remplis les poches à eau avale un bon litre d’eau et, après avoir pris ma page, repars dans Rat Jaw. Dès le début, je sais que cela ne va pas être simple sur les deux prochaines descentes particulièrement raides. Mais c’est décidé, je vais terminer le tour, peu importe le temps que cela me prendra.            

The Barkley Marathons 2019 - Un cuisant échec

[Moonwalk® style]

Quand j’arrive à la petite barre rocheuse, il m’est  impossible de descendre de face, c’est devenu trop douloureux. Je décide de descendre en marche arrière, ce n’est pas très esthétique, c’est particulièrement lent, mais au moins je n’ai pas mal. En 16 ans d’ultra trail, c’est une première pour moi de progresser de la sorte en course. Il paraît qu’à la Barkley, il faut savoir s’adapter... Sur la section moins pentue qui suit, je reprends une démarche plus conventionnelle.  J’y croise le groupe emmené par Stéphanie avce qui nous échangeons quelques mots. Un peu plus loin, la pente est plus raide. Je n’ai pas le choix et repars en marche arrière jusqu’au chemin en balcon à mi descente  où je croise Maggie et un autre coureur qui doivent un peu s’étonner de me voir progresser de la sorte.  Je fais toute la fin de la descente de Rat Jaw en marche arrière. Quand j’arrive au pied, trois personnes qui se situent au niveau de la prison sont mortes de rire de me voir arriver en Moonwalk®. Moi ça ne me fait pas marrer, mais à leur place j’aurais certainement fait pareil. Qu’est ce qui peut pousser un gars normal à se mettre dans un tel état… ? Je fini sur les fesses les derniers mètres au niveau de Buttslide 3.0 que je trouve particulièrement raide cette année. Après un passage dans le tunnel où le niveau de l’eau est bien plus bas que lors de mon dernier passage, je récupère la page du livre XI.  Puis,  je rejoins Razor Ridge (RR) que je suis sans difficulté jusqu’au sommet. De jour, à la Barkley, tout est plus facile. Même si arrivé en haut, je jardine un peu et perds une bonne dizaine de minutes pour trouver Needle eyes et le livre XII. Au moins, je n’aurais pas perdu ma journée et bien enregistré la marche à suivre à partir de RR. La descente que je redoute depuis la Tower se dessine devant moi. Après avoir vérifié les caps à suivre, je m’engage. Au début de face, puis rapidement, je dois me mettre en marche arrière. Il faut être franc Zip Line n’est pas l’endroit idéal pour progresser en marche arrière. Entre les cailloux, les rochers, les ronces, les branches et les arbres aussi nombreux debout qu’au sol, l’exercice du moonwalk® s’avère compliqué, périlleux et ma progression est particulièrement lente. Je dois frôler les 0,5km/h de moyenne. J’irai plus vite à cloche pied mais je n’ai pas le choix alors je prends mon mal en patience. Je profite de sections plus planes pour reprendre une allure humaine. Je suis vraiment étonné de ne pas me faire rattraper car le seul animal plus lent dans cette forêt c’est l’escargot. Je fini bon an mal an à rejoindre le chemin, disons plutôt l’ancien chemin carrossable. Le dernier véhicule a dû passer ici il y a plus de 40 ans. Au moment où je rejoins le croisement des deux torrents j’aperçois le petit groupe de quatre mené par Stéphanie qui revient sur moi. Je prends ma page du livre XIII quand ils débouchent en contrebas. La montée de Hell est facilitée par les traces au sol de mes prédécesseurs, c’est l’avantage d’être à la ramasse de jour à la Barkley. Je rejoins rapidement la crête qui mène aux capstones de Chimney Top. Derrière le petit groupe se rapproche et finit par me rejoindre au niveau du livre XIV que je tends à mes camarades. Un des coureurs est un peu en retrait, j’indique à mes camarades que je continue. Je rejoins un peu plus haut le Candy Ass Trail. Je sais que je vais déguster sur la première partie de descente un peu raide, mais que dès que j’aurai quitté la crête, cela ira mieux. Je me fais doubler par le petit groupe de quatre dans le début de la descente. Lorsque je quitte la crête, j’allume la frontale ; Le reste de la descente au camp est interminable, mais je progresse normalement.  Une dernière hésitation après avoir franchi la rivière et me voilà remontant la route vers la barrière. Lazarus me demande si j’ai bien aimé les nouvelles sections. Je lui indique que oui, mais que malheureusement, dans mon état dégradé, je n’ai pas vraiment pu en profiter. Le décompte des pages est bon. Au moins j’ai cranté un tour. Quel tour ! Celui-là, je suis vraiment allé le chercher loin.  

[L’inter-tour parfait]

A peine fini d’échanger avec Lazarus que je suis pris en charge par une équipe de choc aux petits soins Emmanuel, Nicolas et Cédric. Les trois autres membres du Triumvirat avec Benoit, mon compagnon d’infortune, qui organisent la Chartreuse Terminorum. Ils m’asseyent dans un siège au pied de la barrière à côté de Benoit et commencent à s’occuper de moi. Je suis étonné de retrouver Benoit là. La dernière fois que l’on s’est croisé, il avait plus de trois quart d’heure d’avance sur moi. Il a lui aussi coulé une bonne bielle avec apparemment les mêmes symptômes, et une grosse déshydratation dès le départ. J’indique à mes camarades que je suis cuit depuis des heures et que je ne vais pas repartir. Devant leur empressement à m’aider et leurs mots de réconforts, je leur indique qu’après m’être bien restauré, je vais essayer d’aller au livre I pour tester les cuisses. Du coup, ils s’affairent un peu plus, me remplissent : les poches à eau, le sac de victuaille et me préparent à manger. Les purées lyophilisées passent très bien. Je bois également du Coca et avale une banane. Je décide de conserver la même tenue ce qui rétrospectivement n’est pas malin. J’aurai au moins du prendre ma grosse veste. Après une petite trentaine de minutes d’arrêt au stand, je me lève et me dirige vers la barrière. Lazarus me tend le dossard 123.

The Barkley Marathons 2019 - Un cuisant échec

[Pour ne pas avoir de regrets]

Même si je pressens l’issue fatale, je décide, sous les encouragements de notre team de choc, de repartir pour ne pas avoir de regrets et voir si bien restauré, les quadriceps morts depuis des heures, me permettent de nouveau de descendre « normalement » dans les zones pentues. Mon objectif consiste à aller jusqu’au premier livre et à tester les cuisses dans le début de la descente de Jacque Mate.  Au début de la montée, dans les premiers lacets, je croise un petit serpent tout noir d’une quarantaine de centimètre, qui traverse le sentier devant moi. Il doit certainement aller se réfugier avant cette nuit qui s’annonce froide et humide. J’ai failli marcher dessus tant il ressemblait à une racine. Du coup, dans le reste de la montée à chaque racine, déjà que je ne monte pas vite, je ralentis. A mesure que je m’élève, le vent, la pluie et le froid se font sentir. J’atteins le col en environ 50 minutes et le point haut 5minutes plus tard sous une véritable tempête! Au-delà des conditions météos, le début de descente vers le livre I ne se présente pas très bien, les cuisses tirent dès que la pente s’accentue. Je rejoins Frangorn’s Forest et, sans m’en rendre compte, dévie un peu de cap quitte la crête. Je finis par me trouver sur un replat, mais aucun sapin dans toute la végétation qui m’entoure. Je me rends compte de mon erreur mais ne suis pas en mesure d’identifier si je suis trop à l’est ou à l’ouest de la crête… Je jardine une bonne vingtaine de minutes. Plus le choix, il me faut me recaler et remonter au sommet. En remontant, des zones brumeuses apparaissent, et parfois ma frontale n’éclaire qu’à quelques mètres. Il ne manquerait plus que je me paume un peu plus et n’arrive pas à rejoindre le sommet. Finalement je débouche à l’ouest sur le Cumberland Trail. Au regard de l’état de mes cuisses, je décide de ne pas retenter d’aller chercher le livre I et de bâcher. Après 14H20 de course, en redescendant au camp, je croise un coureur Japonais un peu en dessous du col. Je rejoins la barrière ou siège Lazarus après un peu moins de quinze heures de course. Le cœur gros et la déception immense, j’annonce mon abandon au maître de cérémonie. Nous échangeons quelques mots. Je suis particulièrement ému et dépité. Le tap de fin résonne ; c’est la fin. Cette édition s’achève pour moi sur un cuisant échec.

[Bilan] 

Il s’agit clairement de ma plus grosse défaillance en course. A peine 1000 de dénivelé positive et négative et j’étais out. Quand je regarde ma préparation c’est incompréhensible.

Je ressors de cette édition avec beaucoup de question. Qu’ai-je mal fait ? Où ai-je merdé ? Pourquoi cette défaillance et surtout si tôt, quand tous les voyants étaient au vert ? Suis-je parti trop vite ?  Comment faire pour que cela ne se reproduise plus ? Pourquoi alors que j’ai rapidement ralenti, beaucoup bu  et mangé ce n’est pas revenu ?

J’ai malheureusement peu de réponses, juste quelques pistes. Parmi elle, celle de la déshydratation semble se confirmer. J’ai bu environ 10 litres sur le tour à aucun moment je n’ai été en mesure d’uriner pour vérifier mon niveau de déshydratation. Benoit mon camarade, avec qui j’ai partagé les 7 jours précédents la course à lui aussi été pris de crampes tôt dans la course…

J’étais venu pour faire au moins trois tours, j’ai été terrassé en trois livres.

« The Barkley Marathons were dreams go to die ».

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