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[Préambule]

La Chartreuse Terminorum c’est la version française de la course mythique « The Barkley Marathons » plus connue sous le pseudonyme de « Barkley » organisée par Lazarus Lake. Cette épreuve constitue un monument pour tous les coureurs d’ultra. Elle est réputée comme le 100 miles le plus difficile au monde avec plus de 22 000m de dénivelée pour plus de 160 kilomètres à réaliser en 5 boucles, sans assistance et sans balisage à la carte et à la boussole (pour plus d’informations le site non officiel : http://www.mattmahoney.net/barkley/). Je connais cette course dès 2004 grâce au magazine Ultafondus. Si cette course me fait rêver, dès le début, sa difficulté et surtout le faible nombre de « finishers »  (16 finishers en environ 30 éditions) refroidissent vite mes ardeurs. Avec le temps cela ne s’arrange pas, deux camarades coureurs et pas des moindres, Christian Mauduit (1 tour en 2011) et Wouter Hamelinck (1 tour en 2010, 2 tours en 2012) s’y cassent les dents ! Plus récemment c’est aussi le cas de Benoît Laval que l’on ne présente plus (1 tour en 2016, 2 tours en 2017). Bref avec un tour par année de participation pour de tels coureurs, il faut être un peu gonflé pour se prétendre postulant. Je ne sais pour quelle raison obscure : l’orgueil, l’expérience de la Transpyrenea, l’envie d’aller chercher de nouvelles limites en Ultratrail, vraisemblablement un savant mélange de tout cela ; je me remets à m’intéresser à la Barkley ; suit le live de l’édition 2017 début avril et dans la foulée pour la première commence à me renseigner sur le processus d’inscription…   

Le 4 avril, ayant appris qu’il s’intéressait lui aussi à la Barkley, j’envoie un mail à mon copain Laurent Guéraud pour échanger sur ce projet. Le lendemain Laurent m’apprend l’existence de la Chartreuse Terminorum, la Barkley à la sauce Chartreuse (site officiel : http://chartreuse-terminorum.fr/ page fessebouc officielle : https://www.facebook.com/terminorum/). Cela me chatouille, je commence à me renseigner et à me dire que c’est une occasion unique de se tester sur ce type d’épreuve. Difficile de reproduire la technicité de la Barkley et sa spécificité de course hors sentier en France, j’imagine principalement pour des raisons administratives et de sécurité. Le parti pris de l’organisation est d’allonger les distances (300km) avec un dénivelé équivalent et de conserver les grands principes de la Barkley : 40 coureurs, cinq boucles, pas de balisage, recherche de livres pour justifier de son passage, pas de GPS ni d’altimètre, un processus d’inscription similaire…  pour conserver au mieux le caractère et la difficulté de la grande sœur. Le 15 avril, nouveau mail de Laurent qui m’annonce que les inscriptions sont lancées. Lui ne se sent pas prêt ! Là, cela fait ni une ni deux dans ma tête. Si Laurent ne se sent pas prêt, et ce principalement en raison de la proximité de la course et de délais trop courts pour bien se préparer ; j’imagine que ce sera le cas d’une grande majorité de coureurs. D’autant plus que beaucoup de coureurs ont déjà leurs courses planifiées. Ce qui me donne statistiquement plus de chance d’être retenu. De plus, sur une première édition, l’occasion est trop belle, je décide de rédiger une lettre de candidature que j’adresse le 17 avril, date limite pour postuler. Le 22 avril, je reçois ma lettre d’acceptation. Ca y est, j’aurai la chance et le privilège de participer à cette épreuve ! Je suis tout excité et super content d’être retenu, comme un gamin qui vient d’apprendre qu’il a été reçu à un examen. En même temps, lucide je ne suis pas très serein, car il reste peu de temps pour se préparer. Depuis la traversée des Pyrénées, je me suis un peu laissé aller et mon seul objectif de l’année 2017, c’est le Grand Raid des Pyrénées fin août. Vu l’état du bonhomme, il y a du boulot.

[Préparation express]

Je lance la préparation spécifique le jour où j’envoie la lettre de candidature. Au programme, faire un max de dénivelée dans les semaines qui suivent  et perdre 4-5  kilos pour atteindre un poids de 82kg, proche de celui au départ de la Transpyrenea. Cela reste 7 kilos au-dessus de mon poids de forme, mais c’est un poids qui me permet de randonner à rythme soutenu et notamment de monter correctement sans trop souffrir. Une partie du programme du mois qui vient est déjà planifié et s’inscrit dans le cadre de la préparation au GRP. J’ai en effet prévu de participer le 30 avril à l’Ardéchois et le 14 mai au Trail des Cerfs.

Je ne pars pas de zéro, car depuis la mi-février, j’ai enchainé de grosses semaines en termes de kilomètres ; même si au niveau du dénivelé, cela reste modeste. Par chance, la semaine précédant mon inscription, j’étais en vacances à Sanary et avec les sorties dans les Calanques et la Sainte Baume, je réussis à faire 3800m de dénivelée positive. Du 17 avril au 21 mai, en cinq semaines, j’enquille 585km et 23000m de dénivelée, soit l’équivalent des cinq tours de la Chartreuse Terminorum. Le seul souci, à monter en charge comme un débile, je me retrouve au lendemain de mon premier jour de repos avec une hanche et un genou gauche douloureux. Plus possible de courir sans douleur notamment au niveau de l’aine gauche. Du coup, pas trop le choix, si ce n’est limiter les sorties au strict minimum. Ce que je comptais faire mais dans une moindre mesure. L’avantage, c’est que si je récupère bien, je serai hyper frais le jour J. Petit problème, la douleur ne se résorbe pas, pire même, je sens des tendons et des muscles au niveau du genou droit que je n’ai jamais senti. Coup du hasard, un de mes collaborateurs Pierre à rendez-vous le lundi qui précède le WE de la course chez une Ostéopathe. Je prends la décision d’essayer de la consulter. Coup de bol, je peux prendre rendez-vous pour 13H. Je lui raconte ma vie. Après un premier examen, elle constate qu’effectivement, je suis bien bloqué du côté gauche. Après 45 minutes de manipulation, elle m’indique que je ne dois pas faire de sport pendant les prochains jours. Je lui explique mon cas. Elle me conseille de partir prudemment. Le sort en est jeté, le résultat je le verrai in situ.   

[Avant course]

Après quelques soucis de bagnole, un frein à main en panne, puis au moment de récupérer la voiture lundi soir un bris de glace. Je récupère la voiture mercredi soir, c’était chaud. J’achève dans la foulée les courses. Je récupère ensuite chez mon camarade coureur Cyril Leroy les plaques d’immatriculation qu’il m’a réalisées et dont il me fait généreusement cadeau. Je le remercie de ce geste, nous discutons un moment. Puis, je me dirige vers la maison pour finir les préparatifs que j’achève vers 23H. J’espère juste ne rien avoir oublié. Je me lève vers 7H15. Après avoir chargé la voiture et pris un café, je prends vers 8H15 la direction Saint-Pierre de Chartreuse et plus précisément du lieu-dit la Diat. J’arrive sur site à 13H45 et rencontre quelques camarades coureurs. Je rencontre quelques coureurs que je salue et avec lesquels nous échangeons quelques mots. Puis, je m’installe rapidement sur la grande prairie qui s’offre à nous en jetant la tente Quechua deux secondes. Je poste une chaise devant la tente. En moins de dix minutes le campement est monté. Pour le moment, il y a peu de monde sur le site, mais ça commence à arriver tant au niveau de l’organisation que des coureurs. J’en profite pour discuter avec d’autres participants dont un suisse, un belge et une costaricaine. Avec l’arrivée de Benoît et de Laz, ça commence à s’animer. D’ailleurs les premiers coureurs sont appelés pour le protocole d’inscription. J’en profite pour aller échanger quelques mots avec Laz qui est particulièrement accessible et sympathique, toujours le sourire aux lèvres et une anecdote à raconter. Laz trouve que je ressemble beaucoup à un de ses amis Tyler avec qui il courrait il y a une trentaine d’années. Il demande même à un bénévole d’envoyer ma photo à son épouse. Mon tour de passer à l’enregistrement arrive. Après une partie administrative, je me dirige vers la table où Benoît accueille chaque participant. Nous échangeons sur mes motivations et sur mes origines nordistes. Je paie les frais d’inscription (3€), lui remets la plaque d’immatriculation et quelques offrandes, de la bière du nord et une mignonette de Genièvre. Benoît me donne alors le dossard pour le premier tour ce sera le 65. Il m’indique d’aller reporter le parcours sur ma carte. Je le laisse et rejoins mes camarades qui reportent le parcours. Cela n’est pas super pratique vu qu’il n’y a qu’une seule carte. Sophie Maennelstein m’indique que je pourrais prendre en photo la carte ce qui nous permettrait de la reporter à côté. Je m’exécute et du coup nous gagnons un peu de temps pour reporter. Petit problème, il me manque un petit bout de carte. La version en ma possession termine plus au sud que l’originale. Pas grave Sophie a du papier calque et nous reportons sur papier calque le bout manquant. Parano comme je suis-je fais deux versions de carte et du papier calque. Une fois les deux cartes reportées je les prête à d’autres coureurs. En attendant, je discute avec des membres de l’organisation, des coureurs et Laz. Je fini par récupérer les cartes et retourne à la voiture pour préparer le sac de course. A ce moment je croise Manu et Sandrine des camarades UFOS qui n’habitent pas très loin à Saint-Laurent du Pont. Je les salue et leur indique que je les retrouverai après avoir fait le sac. La préparation du sac se doit d’être rigoureuse car nous ne retrouverons la base vie au mieux toutes les quatorze heures. En effet, le règlement stipule bien que dès que le départ est donné, il n’est pas possible de se faire assister ni récupérer des affaires à sa tente ou son véhicule. Une fois le sac prêt, et les habits de course choisis, je retourne au campement. L’organisation a prévu un petit apéro dinatoire au menu : Chartreuse brute ou en cocktail, rhum, bières, diots, pommes de terres et pommes au four. Après un discours d’accueil de Benoît, nous nous lâchons sur la nourriture et les boissons. C’est l’occasion de discuter avec quelques camarades de la Transpyrenea Pierre, André, d’autres coureurs, des membres de l’organisation et mes deux camarades Manu et Sandrine. Le temps passe super vite. Nous nous prenons un méga orage sur la tronche. Un vrai accueil Chartreux ! Après avoir salué tout le monde, je décide d’aller prendre une bonne douche, de m’habiller en mode course et de me coucher tôt. La nuit pourrait-être courte car le départ peut être donné entre minuit et midi. Je passe quelques coups de fils à la famille et envois quelques messages aux copains. C’est en tenue de course que je me glisse dans la tente puis dans le sac de couchage. Avant de m’endormir je lis un peu le road-book puis c’est l’extinction des feux. J’ai du mal à m’endormir pour une fois, et principalement à cause de maux de tête.

[La course – Tour 1]

Généralement, j’adore m’étendre sur les paysages, une fois n’est pas coutume, afin de respecter mon serment sur la non communication du parcours, je vais rester davantage focalisé sur les sensations. Le CR sera décomposé en livres et toutes mentions au parcours et à la localisation des livres seront bannies.

Livre I :

Je suis réveillé par le bruit du cor de chasse à 5H52. J’ai passé une nuit pourrie avec un mal de tête qui m’a pas mal perturbé le sommeil. Je n’imagine pas que ce soit dû à l’altitude, nous sommes sous les 1000m ! Bon an mal an, j’ai pu dormir 3-4H, c’est déjà mieux que rien. Je m’extirpe de la tente pour prendre mon petit déjeuner qui se résume à deux petits pains au chocolat. Je tente vainement de me faire un café mais mon réchaud me lâche. Je passe au sanitaires pour me strapper au niveau du bas ventre afin d’éviter les frottements puis me brosse une dernière fois les dents. Je me crème les pieds et enfile les chaussures. Je retourne à la voiture, fais un dernier check au sac de course, puis rejoins le stand coureur près du départ. Nous sommes dirigés vers le cabanon de l’organisation pour récupérer la balise GPS et sceller le téléphone. Une fois que tous les coureurs sont passés au stand, ce qui prend un certain moment, Benoît lance le brieffing. Le temps devrait être beau peut-être des pluies orageuses en fin de journée. S’ensuit le cérémonial de départ, Laz allume sa célèbre cigarette et le cierge sensé rester allumé pendant toute l’épreuve. Benoît lance le décompte ça y est, c’est parti pour la Terminorum I. Le groupe de 36 privilégiés se lance en courant. Je tente de courir mais sens rapidement une douleur au niveau de la hanche. Comme conseillé par l’ostéopathe, sagement, je n’insiste pas et me mets en mode marche. Je me retrouve rapidement en queue de peloton. Je discute avec quelques coureurs dont Pierre. Qui va piano va sano… Après une portion plane de quelques minutes, nous voici à rechercher le livre I. Imaginez une trentaine de coureurs chercher un bouquin dans un appartement de 70 mètres carrés. Certains cherchent dans la cuisine alors qu’il est clairement indiqué qu’il faut chercher dans la chambre. D’autres se persuadent que la cuisine ce n’est pas loin de la salle à manger et que du coup, il pourrait aussi être là. On croit rêver. Certains, plus prosaïques n’envisagent pas qu’il ne puisse pas être dans la bibliothèque. Vous imaginez un peu le bordel ! Finalement, des coureurs finissent par lire le road-book, pas con. Rapidement, ils trouvent le livre I. Ça n’est pas gagné cette affaire. Alors que j’étais en queue de peloton, à chercher au bon endroit, près du lit, je gagne une bonne dizaine de place.

Livre II :

Le troupeau se dirige vers la première difficulté du parcours. Faut-il l’appréhender avec ou sans chaussures ? Je dirais à chacun sa stratégie. Je l’aborde avec, mais si c’était à refaire je ferai sans. L’aborder en maillot de bain peut dans certains cas limite s’avérer une bonne solution. Là nous entamons la deuxième difficulté. Le peloton s’étend mais finalement nous restons particulièrement groupés. Dès le début les premières cogitations sur l’orientation naissent et de jolis noms d’oiseaux commencent à fuser. Mais putain, il n’est pas sur la carte ce chemin. C’est quoi ce bordel, le sentier il n’est pas sensé partir vers la droite ? J’en passe et des meilleurs. A ce stade de l’aventure, je ne donne pas cher de ma peau, la hanche gauche est assez douloureuse. Mais point positif, au niveau du genou, je ne ressens plus de gêne. Je fais gaffe de m’hydrater dès le début et de progresser à un rythme cool. Il y a quand même 180km à faire pour la course du dimanche qui constitue, j’ai oublié de le dire, mon objectif pour cette édition. Le troupeau se reforme et je compte une bonne vingtaine de coureurs dans mon entourage proche même si les positions évoluent peu. Avec mon rythme cool, je rétrograde un peu. Mais finalement au bénéfice d’une bifurcation, nous assistons à un regroupement massif. J’aperçois les inséparables Alexis et Bertrand. En effet, un premier petit groupe part dans une direction. Derrière, certains coureurs dont je fais partie hésitent et analysent la carte. Je ne suis pas convaincu tel un mouton de panurge me plie à la décision de la masse. Finalement, c’était la bonne option ouf. Un peu plus haut nous nous retrouvons dans la même situation. Il est grand temps que je commence à utiliser le cerveau plutôt que compter sur le groupe. La requête du deuxième livre permet de prendre la mesure de la difficulté à estimer les distances sans système GPS, ni altimètre. Je suis persuadé d’être allé trop loin, presque convaincu de devoir faire demi-tour. Mais toujours moutonnier et poussé par la masse, je poursuis et finis par rejoindre un petit groupe qui s’acharne sur les pages du deuxième bouquin. J’ai encore eu chaud mais j’arrache sans m’être trop arraché la tête la page 65 du bouquin II. 

 Livre III :

Je repars et rapidement nous reformons un groupe d’une quinzaine de coureurs. Le petit train s’en va dans la campagne va et vient poursuit son chemin… Au bénéfice d’une portion plus roulante, le rythme s’est accéléré et ma hanche gauche se fait plus douloureuse ; par moment même, je boîte. J’essaie de temporiser et d’éviter les à-coups du groupe pour me préserver. Du coup, régulièrement  je rétrograde. Le parcours est simple à suivre, nous empruntons un large sentier bien marqué. Je me force à m’hydrater car je transpire déjà pas mal. Je profite également de la vue plutôt sympathique sur cette section. Je dépasse les camarades qui me précédaient et hésitent à une bifurcation. Normal, j’ai enfin sorti le cerveau et lu la carte. Eh oui, c’est plus facile. Mais quelques centaines de mètres plus loin, c’est à mon tour de sécher. J’avais certes lu la carte, mais il ne suffit pas de la lire de temps en temps ; mieux vaut avoir les yeux dessus en permanence… Après quelques minutes nous rejoignons le site caractéristique du livre III que nous ne tardons pas à trouver guidés par la position de photographes et de personnes de l’organisation.  

Livre IV

Quand je quitte le livre III, une vingtaine de coureurs attend encore pour arracher la page ! On finirait par se croire sur un ultra classique et pas une course ou au départ, il y a environ deux heures, nous étions 36 ! Nous galérons pour trouver la suite du cheminement avec Yannick Clevy et Vincent Larue mais finalement à force de persévérance et surtout grâce au sol singulier du chemin sur lequel nous hésitons, nous retrouvons le fil d’Ariane. Au bénéfice d’un passage à découvert, je laisse passer Vincent qui avance comme un bolide. Derrière moi, une ribambelle de coureurs, j’en compte 22. Nous sommes donc 24 encore dans un mouchoir de poche. Au moment où nous arrivons près du livre IV, je me rends compte que certains coureurs ont décidé de couper et de ne pas suivre le sentier. Grand bien leur fasse, mais ça n’est pas très réglementaire. Je salue les trois personnes de la sécurité civile. Nous cherchons à quatre le livre que je fini par trouver. Je m’en empare et là une meute sauvage de 5 puis 10 puis 20 coureurs me met la pression pour que je refile le bouquin. Une fois la feuille arrachée, et pour éviter de me faire arracher la tête, je transmets rapidement le livre à Vincent qui est arrivé le premier sur site. Non mais !

 

Livre V

Je repars non sans avoir sécurisé les quatre premières pages récupérées dans mon sac à dos. Il ne manquerait plus que je perde un page. Nous courons en groupe que dis-je en meute. Je fini par me dégager avec un groupe de 2-3 coureurs. Nous croisons Sophie en sens inverse ? Apparemment elle a zappé le bouquin 3 en suivant les conseils d’un camarade. Elle a l’air dépitée ; nous l’encourageons. Même pas cinq cent mètres plus loin, à nouveau j’hésite, à peine le temps de regarder la carte et le road book, la meute revient sur nous et nous dépasse en empruntant un sentier. Après un rapide check, je valide le sentier et rejoins la meute. Dans cette zone plus spacieuse la meute s’élargit et nous courrons même à plusieurs de front. Je commence sérieusement à me demander si nous allons faire tout le tour ainsi. Plus loin un des coureurs, Alexis il me semble, conforte cette impression quand il dit à un de ses compagnons de route que la navigation semble niveler les capacités physiques des concurrents. A ce stade, il n’a pas tort. Après une portion un peu plus dure et compacte, nous bifurquons en direction du livre V. Pareil, j’hésite encore et reperds quelques places. Nous arrivons sur le livre V au moment où quelques coureurs qui ont un peu galéré à trouver le bouquin allaient partir. C’est tout bénéfice pas de recherche ici.

Livre VI :

Le chemin se redresse et je vois Vincent, tel Pantani dans l’Alpe d’Huez, mettre une volée à tout le peloton. Je suis aux avants postes, mais j’ai la cavalerie aux fesses. S’ensuit la première zone sans réel sentier, ou je l’ai perdu, ce qui est plus probable. La végétation au sol se fait plus dense et je trace désormais la route hors sentier. Je suis pourtant le cap indiqué par la carte. Finalement je débouche près du site du livre VI. Après un rapide panoramique et un peu de gymnastique, je récupère le livre et la page qui va bien. Le plus rapide à trouver depuis le début.

Livre VII :

Je repars en premier du site, mais rapidement me retrouve à jardiner. Je reprends la carte et le road-book, mais je ne me situe pas bien. Normalement je dois retrouver un chemin mais là je suis ne pleine pampa. Un sentier part mais je ne le sens pas. Rejoins par le groupe, je ne suis pas le seul à qui il ne plaît pas. Dommage c’était le bon sentier. Mais nous préférons partir au jugé, c’est plus ludique. Finalement, de façon peu académique, nous débouchons sur le chemin et nos rendons compte un peu plus loin que le sentier ne devait pas être si mal. Je profite de la portion descendante qui suit pour trottiner. Etrangement, j’ai moins mal à la hanche qu’au début, tant mieux. A la première bifurcation, je manque de louper le bon chemin. Un camarade me rappelle à l’ordre. Je vérifie la carte, il a raison. Je reprends la tête du cortège au bénéfice d’une portion moins roulante. J’en profite pour grignoter un Snickers et m’hydrater. Et puis c’est décidé, je prends le temps de lire le road-book pour anticiper la route et la recherche du prochain livre. Je me retrouve près du site du livre VII quand, surgit de nulle part, une bifurcation non identifiée sur la carte. Je cogite me fait rattraper par une dizaine de camarades mais décide de continuer tout droit. Finalement, le groupe emboîte mon pas. Je ne suis pas serein, mais normalement si je prenais l’autre chemin, cela devrait descendre. S’ensuit la recherche du livre VII, pas coton la recherche un peu comme si on devait chercher une souche dans une forêt dévastée. Après un jardinage d’une petite dizaine de minutes. Le groupe s’est reconstitué. Yannick, si ma mémoire ne me trahit pas, trouve enfin le livre. J’arrache la page en deuxième position.

Livre VIII :

Je repars en m’alimentant mais ça commence à cogiter. Cela fait un bail qu’on est parti, j’estime qu’il y a environ une dizaine de coureurs devant moi et nous sommes une bonne quinzaine. Il faudrait peut-être que je rentre dans la course et arrête de me laisser bercer si je veux rejoindre la Diat dans les temps. Je croise de nouveau les trois personnes de la sécurité civile dont une charmante jeune femme. Cela tombe bien voici un raidard. Je décide d’accélérer un peu le rythme mais sans me cramer et de suivre la carte des yeux en permanence. Si j’osais dire je commence enfin à prendre mon destin en main sur cette course. Je distance peu à peu mes camarades de route. S’ensuit une portion plus plane où je décide de conserver un bon rythme pour me retrouver seul. Une bifurcation me fait douter quelques secondes mais sans tarder je prends la bonne option. J’emprunte alors une descente dans un premier temps roulante, puis technique. J’envoie des pierres vers la vallée. Je m’inquiète de ce qui pourrait me tomber dessus. Mais apparemment, il n’y a plus de coureurs en vue derrière moi. Je rejoins deux personnes de l’organisation. Du coup je temporise un peu et j’aperçois sur la gauche deux camarades qui étrangement reviennent sur le sentier. Je reprends la description du road-book, mais cela ne colle pas. Pour assurer le coup, je vais voir l’endroit d’où sortaient mes camarades et c’est un peu par hasard que je trouve le livre VIII. Alors là c’est cadeau !

Livre IX

Contrairement à ce que je pensais cela ne continue pas en descente, mais le sentier à suivre bifurque. Finalement, je ne me serai pas planté longtemps et serrai revenu sur mes pas. J’aperçois à environ 300m devant moi les deux coureurs que j’ai débusqué. Là je suis vigilent car il faut trouver une sente pas évidente. Je relis le road-book à deux fois, hésite un moment pour m’engager sur une trace très aérienne, puis décide de continuer. Juste avant que je fasse demi-tour, j’aperçois enfin le sésame ! Plus loin je rejoins les deux acolytes. Ils progressent plus lentement que moi. Au détour d’une mare à boue, je les dépasse. Nous sommes sur la bonne route, car je trouve des éléments décrits dans le road-book. C’est d’ailleurs sans problème que je trouve au débouché sur une nouvelle trace le livre IX. Des coureurs qui galèrent depuis quelques temps me remercient, dont je crois Olivier et Benoît que j’avais croisé au livre V. Quand on se concentre un peu sur la bible du parfait Terminorum, tout est possible.

Photo Daniel De Melo - Mi parcours

Photo Daniel De Melo - Mi parcours

Livre X

 

En repartant, je croise d’autres camarades, dont Vincent, en sens inverse. Apparemment, lui et un petit groupe de coureurs sont allés beaucoup trop loin et ont perdu pas mal de temps pour revenir ici. Je poursuis la route. A peine quelques hectomètres de fait que le petit groupe me dépasse. Je m’accroche à leurs basques. Nous arrivons en théorie à mi-course, à un lieu accessible des accompagnants et de l’organisation. Je suis rassuré car je suis dans le timing prévu. J’aperçois un camarade de la Transpyrenea Daniel De Melo, venu en voisin pour encourager les coureurs et qui m’accompagne un moment. Cela me fait super plaisir de la voir ici avec le grand sourire qui le caractérise. Je salue au passage Lazarus Lake en personne venu nous supporter ! Trêve de plaisanterie, il me faut me concentrer et ne pas louper le premier point d’eau officiel, car la poche à eau est vide et le bidon bien entamé ! C’est par un chemin peu académique que nous débouchons sur la source d’eau. Je bois une grande rasade, l’eau est fraîche et fait le plein intégral soit 3,5 litres. Je ne prends pas le risque de me trouver à sec. Je salue chaleureusement Daniel et repars derrière un groupe de 6 coureurs. Tous n’ont pas lu la carte de la même manière. Deux partent à droite alors que le reste de la troupe part tout droit. Je reprends la bible et décide de suivre le groupe le plus nombreux. Finalement, nos deux acolytes réapparaissent et un regroupement général a lieu au moment où nous devons franchir un obstacle un peu piquant. Nous débouchons sur un nouveau carrefour. Le groupe n’est pas d’accord. Ayant un peu anticipé avec la carte, je pars à droite. Le groupe m’emboîte le pas. Rapidement, je cède ma position pour glisser petit à petit jusqu’à la dernière. Il faut dire que le rythme est particulièrement soutenu dans ce petit peloton. Je me mets délibérément en retrait pour éviter les soubresauts et progresser à mon rythme. Par moment le groupe s’excite mais sans forcer et au train je recolle. Un coureur ressent les premiers signes de fatigue et se pose. Le sentier est parfois aérien. Il faut rester vigilent car il y a moyen de se faire une belle glissade. Après deux croisements qui nous font perdre 3 minutes chacun, nous débouchons sur une épaule. Un coureur s’arrête apparemment un peu fatigué. Un peu plus loin, Olivier et Benoît s’arrêtent également. Les autres dont Vincent continuent leur progression. Je décide de faire une petite pause pour m’alimenter et me mettre enfin de la crème aux pieds. Ceux-ci ont bien chauffé ces dernières heures et baignent dans le jus quasiment depuis le départ. L’état n’est pas terrible, j’ai un peu trop attendu pour les traiter. En revanche, sympa mes deux nouveaux camarades eux m’ont attendu. Nous repartons en direction du livre X. Nous ne loupons à la dernière bifurcation de prendre la bonne direction pour faire l’aller-retour vers le livre. Nous débusquons un brocard peu avant de rejoindre le site de recherche. Et c’est, sans trop de difficulté que nous trouvons le livre derrière un sapin.

Livre XI

Nous repartons en sens inverse et peu avant de déboucher sur la bifurcation initiale, nous rencontrons en sens inverse Vincent et un petit groupe de coureurs. En fait, ceux qui nous avaient distancés quand nous faisions notre petite pause. Ils se sont plantés au croisement et ont continué leur chemin… Nous empruntons alors une longue portion en traversée sur laquelle, nous allongeons le pas et mettons du rythme. Enfin je dis « nous » mais c’est surtout Olivier dit « la machine », en première position, qui assure un train soutenu et régulier, derrière « le jeune » Benoît et en troisième position en mode amortisseur « bibi ». Enfin, nous trouvons une section hors forêt. C’est sympa de voir un peu de paysages quand même ! Nous débouchons dans un vallon où normalement se situe le livre XI que nous trouvons sans trop de difficultés.     

Livre XII

Après une rapide pause nous repartons, toujours la même configuration. Nous nous approchons d’un point haut, quand j’aperçois en contrebas un groupe de trois coureurs épars. Une fois la bascule opérée, mes deux camarades accélèrent sensiblement le rythme. Au bénéfice de deux hésitations, je les laisse filer et me retrouve seul sur un terrain totalement labouré par les traces de débardage. Difficile de suivre la carte et le road-book sur cette section. Finalement, je retrouve mes comparses un peu plus loin au bénéfice d’un remplissage de poche à eau de Benoît. Apparemment, il dispose d’un filtre à eau intégré. Nous poursuivons et rejoignons une première boucle. Nous y croisons quelques accompagnateurs venus acclamer leurs poulains, mais qui nous encouragent tout de même. Nous décidons de zapper le deuxième point d’eau officiel. Au regard de l’état de mes réserves, ce n’est pas raisonnable, mais cela nous fait économiser au moins un kilomètre et rien que ça c’est bon pour le moral. Après quelques hésitations concernant l’identification de la cachette, je trouve le livre XII.

Livre XIII

Quelques hectomètres plus loin, nous assistons à un véritable tournage de reportage animalier avec en guest star, nous les coureurs. Nous sommes littéralement poursuivis dans notre progression par une horde de caméramans malgré l’odeur infâme qui s’échappe de nos corps. Un bénévole nous indique que nous sommes dans les temps pour la première boucle ; cela me rassure un peu. Après quelques acrobaties, nous rejoignons le début de la boucle. Un peu plus loin, nous découvrons un nouveau chemin, enfin un chemin, il faut le dire vite. Car le sol est jonché de cailloux instables, de racines et de plantes qui limitent la visibilité. Tant et si bien qu’alors que nous descendons, nous nous trainons tels des escargots fatigués et usés. Putain, ce qu’il est interminable ce chemin ! Nous rejoignons un peu plus loin la deuxième boucle. Nous jardinons un peu au début mais approchons du deuxième livre. Après quelques allers-retours de ma part liés à un descriptif un peu large au niveau des distances dans le road-book, Olivier trouve le bouquin !

Livre XIV   

Peu après être repartis, je décide de faire le plein de la gourde à une source pour tenir jusqu’au dernier point d’eau officiel (près du livre XV). J’y inclus du Micropur pour éviter de chopper une tourista. Au moment où nous finissons la boucle, nous saluons un bénévole pour repartir pour une petite bambée à travers la forêt. La chaleur est un peu tombée, ce qui est bien mais j’ai faim. J’attaque des gaufres fourrées. Olivier mène bon train sur un sentier plutôt bien tracé. Ce qui ne nous empêche pas d’hésiter à deux reprises et de vérifier la carte. Nous rejoignons un élément caractéristique du parcours que nous suivons pendant quelques hectomètres. A un moment, je bricole avec ma carte et perds une page de bouquin. Coup de bol, je me retourne et m’en rends compte. Des fois cela ne tient à rien ! Il faudra que je trouve un système plus sur la prochaine fois que ma poche en plastique qui couvre la carte et dans laquelle j’entasse les pages. Nous rejoignons alors le site du livre XIV. Assez rapidement, je trouve un endroit présentant toutes les caractéristiques du lieu de la cache du livre. Mais nous avons beau passer le lieu au peigne fin, rien. Nous recherchons une petite butte et là, toutes les collines environnantes se transforment en butte. Nous nous séparons et cherchons en vain le monticule. Au bout d’une bonne quinzaine de minutes de jardinage. Je décide de relire le road-book et de faire demi-tour pour retourner à notre point de départ. Je prends un cap et au même moment aperçois un coureur descendre de la bonne bosse. Eureka ! Apparemment, il connaît bien le coin car il n’a pas hésité un instant. La végétation qui mène au livre est particulièrement agressive ; mais peu importe nous avons assez perdu de temps, je fonce tout droit. Nous récupérons le livre XIV après 20 minutes de recherche, une paille !

Livre XV

Je regarde la montre et c’est moins serein que j’envisage la suite. Alors que nous avions une avance raisonnable, nous commençons à être short-stack. Nous ne nous démobilisons pas et continuons notre progression. Notre camarade local a disparu, il nous a bien distancés déjà. Nous retrouvons un peu plus loin deux bénévoles. Puis nous entamons une section plus roulante. Nous rejoignons une bifurcation où nous hésitons. Benoît et moi sommes pour une direction, Olivier pour l’autre. Plus incisif, Olivier nous convainc de le suivre. Bonne pioche ! Nous nous trouvons rapidement sur le site caractéristique du livre XV. Après avoir arraché nos pages respectives, nous en profitons pour faire une pause et le plein d’eau.

Livre XVI

Les chances d’arriver en temps et en heure à la Diat sont toujours de notre côté ; mais il ne faut plus trop se planter désormais. Mais pas de bol à un croisement de chemin ne figurant pas sur la carte nous décidons d’un commun accord de prendre la mauvaise route. Quand nous nous en rendons compte, nous ne sommes pas motivés pour perdre 30 minutes en faisant demi-tour. Après analyse de la carte, nous décidons d’y aller au cap à travers la végétation et les racines en mode Barkley.  Choix in fine judicieux, car quelques minutes plus tard, nous rejoignons le bon chemin. Rapidement le chemin devient sentier. Par moment, le sentier est aérien, rien de dangereux mais cela nécessite d’être vigilent. Je suis davantage collé à mes camarades et nous discutons volontiers sur cette portion qui nous mène au dernier point haut. Au moment où nous basculons, nous avons encore un peu de marge mais pas trop. La nuit commence à tomber et je ne vois plus trop le terrain. Plus loin, nous retrouvons le coureur local Mathieu qui remonte en sens inverse, persuadé d’avoir raté le dernier livre. Nous faisons une mise au point sur la carte, j’en profite pour m’équiper de la frontale. Perplexes mais persuadés de ne pas avoir croisé le point caractéristique, au bout de cinq bonnes minutes, nous reprenons notre route. Mathieu convaincu par nos arguments repart et nous distance rapidement. Apparemment, il semble être en mode warrior et ne pas souhaiter que nous arrivions ensemble au camp de base. Quand nous approchons du site du livre, nous apercevons Mathieu qui s’échappe comme un voleur et un autre coureur qui repart en sens inverse et qu’à ce stade nous imaginons être le premier à repartir. Nous trouvons le livre XVI sans difficulté et repartons vers la vallée.

Fin du tour I

Nous sommes rassurés d’avoir trouvé le livre car sauf accident physique, nous sommes quasiment certains de finir le tour dans les temps. En revanche, je suis convaincu désormais que ce sera mon seul tour. D’ailleurs, il semblerait que ce soit le cas pour Benoît et que de notre petit groupe ce soit le seul à envisager de poursuivre. Déjà, nous apercevons les premiers signes de la civilisation, puis un premier village, puis quelques infrastructures plus lourdes. Nous rejoignons la Diat en environ 15H15 soit 1H15 de plus que mes prévisions, à 45 minutes de la barrière horaire. Nous nous dirigeons vers le bloc que nous touchons avant de donner nos pages de bouquins à Benoît. Je stresse un peu et j’espère ne pas en avoir égaré. Good news le compte est bon. Cela n’est pas glorieux, mais au moins j’ai bouclé un tour dans les temps.

Franckye, un vieux pote d’école est venu m’accueillir en compagnie d’Olga sa compagne que je ne connais pas. Un bénévole m’indique que des diots et des pommes de terres sont disponibles pour se ravitailler. Je récupère deux saucisses, quelques patates, une bière et m’installe à table. Je discute avec Franck qui rapidement m’indique de continuer. Vu l’heure tardive, je lui dis que c’est mort et que cela ne sert à rien de repartir car il y a très peu de chances que je puisse finir le second tour dans les délais. Benoît vient me taquiner lui aussi pour me pousser à repartir sur la deuxième boucle. Franck me passe Christine mon épouse qui me convainc de repartir pour ne pas avoir de regrets. Vu que je ne suis plutôt encore en bonne forme, c’est effectivement une position qui se défend. Je décide finalement de repartir pour éviter de passer la nuit à ruminer. J’achève mon assiette et ma bière puis me dirige vers la voiture pour faire le plein de victuailles. Sympa, Franck me remplit la poche à eau. Je rejoins la zone de départ. Yannick, un coureur qui a stoppé, me propose sa méga-frontale, c’est super sympa mais ne la connaissant pas, je décline la proposition. Je retourne au rocher et indique à Benoît que finalement, je repars. On m’indique qu’Olivier repartira également. Benoît me transmet le deuxième dossard le 75 ! Je touche le rocher et c’est parti.

[La course – Tour 2]

Livre XVI  

Il est 22H50, soit 15H50 de course, quand je quitte la base vie, sous les encouragements de mes camarades. Je pars convaincu de ne pas avoir le temps de boucler ce tour. Bref, cela n’est pas super motivant, mais au moins je serai allé au bout. Je progresse calmement en attendant qu’Olivier me rejoigne. A peine 500 m de parcourus, j’aperçois derrière moi une frontale. Celle-ci se rapproche à grande vitesse et me rejoins au moment où je croise un coureur qui arrive en sens inverse. Nous échangeons quelques mots, c’est cuit pour lui il sera hors délai. C’est Mathieu le « warrior » qui tel un bolide me dépose dès les premier coups de cul. Je retrouve rapidement le calme de la forêt et de la nuit que seuls les faisceaux des frontales perturbent. J’arrive au niveau du livre XVI que je retrouve facilement cette fois-ci.

Livre XV

Quand je repars, Olivier s’est rapproché. Un peu plus haut je croise un groupe conséquent de coureurs qui m’indique que mon prédécesseur n’est pas loin. Peu après, Olivier me rejoint et je lui emboîte le pas pour me caler sur son rythme. Avant d’arriver au sommet nous croisons un nouveau groupe. La température est douce et la nuit claire. Nous basculons sur la première descente. Nous n’avançons pas super vite mais nous nous efforçons de trottiner quand le terrain est moins accidenté. Au bout d’un quart d’heure nous apercevons le faisceau de la frontale de Mathieu qui a nettement ralenti le rythme. Rapidement, nous le rattrapons puis le dépassons et le distançons. Il a l’air d’avoir les jambes bien dures. Nous nous retrouvons ainsi en deuxième et troisième position, très loin derrière le premier Gaëtan. Contrairement à l’aller, cette fois-ci nous ne nous plantons pas de chemin et c’est sans embuche ni même regarder la carte que nous trouvons le livre XV. C’est bien plus facile  quand on a fait une boucle.

Livre XIV

Nous décidons de faire une bonne pause pour nous alimenter. Je refais le plein d’eau me crème les pieds, mais aussi les fesses qui commencent à souffrir des frottements. Je prends le temps de manger quelques chouchous et un peu de salé. Nous repartons en direction du prochain bouquin ; nous ne sommes pas là pour enfiler des perles. Après quelques minutes de progression, nous retrouvons un gros groupe de coureurs. Nous échangeons quelques mots. Apparemment, ils envisagent de continuer jusqu’à la Diat même hors délai, c’est courageux! Nous repartons dans la nuit. Après un petit coup de cul, nous retrouvons le site du livre XIV et là c’est une formalité.   

Livre XIII

Sur la longue portion en faux plat qui suit, nous nous forçons à courir ; mais le cœur n’y est pas. Nous retrouvons ensuite une section plus technique où nous avions un peu jardiné à l’aller. Au moins même quand nous marchons, nous n’avons pas l’impression de nous trainer. La nuit est bien silencieuse. Il faut l’admettre nous progressons principalement sans nous parler. Parfois le hululement d’un hibou vient transpercer la nuit. Nous retrouvons la partie ludique de la seconde boucle qui nous indique que le livre XIII est en vue. De nouveau, malgré l’obscurité, c’est une formalité de le trouver.

Livre XII

Une quinzaine de minutes plus tard, Olivier me dit qu’il souhaite se reposer. Je lui indique que je vais faire la pause avec lui. C’est plus prudent que nous restions ensemble, dans les prochains kilomètres, il y a quelques passages avec du gaz. Olivier planifie une pause de 15 minutes. Nous mettons nos balises en mode repos pour indiquer que nous faisons une pause et éviter qu’au PC course, ils s’inquiètent de notre arrêt. Nous nous allongeons au sol, je positionne le sac comme oreiller.  Je n’arrive pas à m’endormir mais cela me repose d’être dans le noir. Nous entendons quelques bruits au sol, vraisemblablement des mulots ou autres petits rongeurs qui profitent de l’obscurité pour chasser. Pile quinze minutes après notre arrêt, nous repartons. Le sentier est particulièrement étroit. Il ne faut pas s’endormir sur cette section sous peine d’une belle gamelle. Nous retrouvons plus haut le fameux chemin non carrossable. Premier vrai plantage de la nuit. Nous sommes dans une impasse qui nous fait perdre tout au plus 3 minutes car Olivier retrouve assez rapidement la trace en rebroussant chemin. Plus loin, nous rejoignons la première section en boucle. Et au bout d’une vingtaine de minutes le site du livre XII. Nous hésitons sur l’endroit Olivier, contrairement à moi,  est persuadé que le livre est plus loin. Finalement, j’ai raison et retrouve le livre sans perdre trop de temps. 

Livre XI

Nous continuons la boucle. Cette fois-ci plus de cameramen, nous sommes seuls dans la forêt. Les premières lueurs du soleil font leurs apparitions. L’Aube remplace la nuit noire. Nous quittons la boucle en empruntant un large chemin. J’ai les pieds qui chauffent, j’en profite pour me les crémer. Soudain, alors que nous avons repris notre route, nous entendons le brame d’un cerf. Il n’a pas l’air super content de nous trouver sur son territoire. Avec l’odeur que nous tenons, il a dû nous sentir arriver de loin. Cela dure bien un quart d’heure et parfois le brame se fait menaçant. Ce serait pas mal de ne pas se retrouver nez à nez avec un gros cerf. Finalement, nous retrouvons le calme du petit matin. Le jour c’est levé, il fait grand beau. Je ne peux pas dire que nous progressons vite, mais nous avançons dans le bon sens. Avec la clarté, la fatigue s’est un peu dissipée et avec Olivier nous discutons plus volontiers. J’apprends qu’il est originaire de Savoie. Il semble motivé pour terminer la deuxième boucle, moi moins ; j’estime que nous serons hors délai. Après avoir franchi un point haut, nous déroulons tranquillement jusqu’à la zone du livre XI. Olivier met la main sur le livre et sympa m’arrache ma page, pendant que je crème mes pieds qui décidemment ont bien morflé de ne pas avoir été traité en début de course. J’ai une méga cloque au pied droit que je ne prends même pas le temps de percer.  

Livre X

En théorie, c’est une formalité. En pratique, malgré deux hésitations qui nous forcent à regarder la carte, après une longue portion en traversée, nous rejoignons facilement la fameuse bifurcation. Comme Olivier pense continuer, je l’accompagne sur cet aller/retour vers le livre X qu’il ne tarde pas à débusquer. Au cas où, disons pour ne pas avoir de regret, j’embarque la page 75.         

The End

Nous continuons notre route vers la route, celle de l’exutoire. Je ne peux pas dire que je sois fatigué mais juste las. Je me contente de suivre le rythme d’Olivier sans réelle motivation me sachant hors course. A mesure que nous approchons du but la motivation d’Olivier à continuer s’estompe. Après une longue et lente agonie, nous débouchons sur la route. Il est 8H30 du matin, nous sommes théoriquement à mi-course et il nous reste 6H30 pour finir la boucle. Pour moi, c’est mort pour boucler le second tour dans les temps. J’indique à Olivier que j’arrête, il me répond que lui aussi. Nous nous posons sur un muret. Je descelle le portable signe de mon abandon et tente d’appeler le PC course pour indiquer notre abandon. Malheureusement, ni Olivier ni moi n’avons de réseau. Nous décidons d’avancer vers la vallée et finissons pas capter. J’appelle l’organisation pour leur signifier notre abandon. Je leur demande s’ils peuvent nous envoyer quelqu’un pour nous chercher. Très sympathiquement, l’organisation me répond par l’affirmative. C’est là que se termine notre course, un tour et demi en 25H30, à peine 90km et 7000m de dénivelés, soit de loin ma plus mauvaise prestation sur ce genre de distance. Une vingtaine de minutes plus tard, deux sympathiques jeunes hommes de la sécurité civile, nous ramènent en pickup au campement. A l’arrivée, Dom Benoît constate notre lamentable échec et c’est au son d’une musique funèbre que s’achève notre périple. La Chartreuse Terminorum aura eu raison de nous. Il ne reste plus qu’un coureur en course Gaëtan. Bravo à lui, le seul coureur qui a été capable de réaliser deux boucles sur cette édition.  

[Epilogue]

La chartreuse Terminorum est-ce faisable ? A mon niveau, j’estime que les cinq tours ne sont pas envisageables. La distance 300km et le dénivelé 23000m sont proches de ceux du Tor mais avec moins d’assistance. C’est donc envisageable, mais pour un coureur capable de boucler le Tor en moins de 80H, ce qui ne fait pas grand monde. Il me faudrait travailler les micros sommeils. En revanche, je suis convaincu que la course du dimanche (3 tours en 48H) est jouable. Pour cela, il faudrait que j’optimise le temps de recherche au premier tour et que je passe au maximum un quart d’heures à la base vie et donc me faire assister.   

Je sors de la course un peu frustré. Tout d’abord d’avoir mal géré mes pieds contrairement à d’habitude, pris dans le tourbillon de la recherche des livres. Je le paie cash dans le deuxième tour ou je me satisfais d’un rythme tranquille, incompatible avec un possible succès sur la course du dimanche. Ensuite parce que je n’ai pas pu défendre mes chances, loin de mon poids de forme à +7kg et physiquement affaibli par des douleurs au genou et à la hanche gauche. Finalement parce qu’une chance comme cela ne se reproduira peut-être plus et je l’ai un peu gâchée avec mes erreurs de navigation et surtout mon incapacité à croire que finir le deuxième tour serait possible dans les temps. Daniel m'apprendra post course que j'avais mis 6H05 pour arriver à mi-course. Il nous restait 6H30 pour faire sensiblement le même parcours... Je n’ai qu’une hâte revenir avec l’expérience de la première édition, le physique et l’organisation pour boucler la course du dimanche et plus si affinité.

Pour conclure, je souhaite remercier tous ceux qui ont fait de ce moment un moment fabuleux et magique. Tout d’abord, un grand merci au Triumvirat à Benoît et ses trois mousquetaires pour avoir organisé cette course de dingue en France. Ensuite, un grand merci à Lazarus Lake de s'être déplacé en Chartreuse pour cette première édition, ce qui pour les fans de la Barkley a contribué à la magie de ces quelques jours passés à la Diat. Enfin, un grand merci aux bénévoles, aux accompagnateurs et à vous tous camarades coureurs avec qui se fut un plaisir de partager de bons moments à la base vie mais aussi en course malgré la difficulté de l'épreuve. Au plaisir de vous revoir tous en Chartreuse ou ailleurs.

 

Quelques liens :

Vidéos :

http://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/isere/chartreuse-terminorum-ultra-trail-francais-difficile-que-mythique-barkley-1266461.html

http://www.dailymotion.com/video/x5p0xzk

Suivi Live :

http://www.ledauphine.com/sport/2017/06/02/suivez-en-direct-la-terminorum-pendant-80-heures

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